Pour introduire ce 11e numéro du Beccaria portant sur le droit, l’éthique et la déontologie, j’ai décidé de vous présenter plus en détail le processus d’inspection professionnelle de l’Ordre. Ce mécanisme de contrôle tant redouté par nos membres mérite d’être démystifié et recontextualisé selon notre vision. Tout d’abord, notons en premier lieu que l’inspection professionnelle est l’un des mécanismes prévus par le Code des professions qui permet à un ordre de remplir sa mission de protection du public. L’objectif principal de cette démarche est de protéger le public en s’assurant que les criminologues exercent leur profession en conformité avec les lois, les règlements et les normes qui régissent leur pratique.
L’inspection professionnelle se veut également une façon d’évaluer la compétence (connaissances, savoir-faire et savoir-être) des membres et de leur fournir des outils et des recommandations afin de l’améliorer. Elle permet non seulement de réaliser une réflexion critique et introspective des divers aspects impliqués dans la pratique de la criminologie, mais également de discuter, de questionner et d’échanger avec un pair mandaté par l’Ordre sur les bonnes pratiques à adopter. Les inspecteurs et inspectrices sont tous et toutes des criminologues ayant pratiqué dans divers milieux et auprès de clientèles diverses.
Ainsi, l’inspection professionnelle met en lumière les forces et les améliorations souhaitées auprès du ou de la criminologue, favorisant ainsi la reconnaissance des compétences attendues et l’ajustement des éléments potentiellement préjudiciables pour le public. L’OPCQ préconise une approche éducative axée sur le soutien et l’accompagnement dans l’exercice de la profession. Le processus ne vise pas à contrôler ou à aseptiser la pratique des criminologues, mais bien à les accompagner professionnellement vers l’excellence. L’Ordre s’appuie notamment sur Le référentiel de compétences lié à l’exercice de la profession de criminologue au Québec pour évaluer les compétences des criminologues dans l’exercice de leur profession.
Comité d’inspection professionnel (CIP)
Le comité d’inspection professionnelle est formé de cinq membres nommés parmi les criminologues inscrits au tableau de l’Ordre depuis au moins cinq ans qui ne sont ni administrateurs du conseil d’administration ni employés de l’Ordre. Ce comité est actuellement présidé par M. Jean-Phillipe Geoffroy.
Le CIP a notamment pour principales fonctions de : déterminer le programme de surveillance générale (PSG) ; de nommer
les inspecteurs et inspectrices et, s’il y a lieu, les experts pour l’assister ; d’entériner les rapports d’inspection ; de décider des suites à donner à certains rapports ; de recevoir les demandes des criminologues qui souhaitent être entendus et finalement de formuler des recommandations au conseil d’administration. Le CIP fournit un regard indépendant, neutre et compétent sur les conclusions des rapports de ses inspecteurs et inspectrices afin de les entériner et, au besoin, de formuler une recommandation dénuée de toute partialité.
Programme de surveillance générale (PSG) 2025-2026
Le conseil d’administration a entériné le plan d’inspection générale 2025-2026 proposé par le comité d’inspection professionnelle
(CIP). Ainsi, l’Ordre souhaite inspecter 130 membres entre le 1er avril 2025 et le 31 mars 2026. Tous les détails concernant le
programme de surveillance générale 2025-2026 sont disponibles sur notre site Internet.
Le PSG représente l’outil au cœur de la planification et de l’organisation du processus d’inspection. Le CIP surveille l’exercice suivant le programme déterminé par lui et approuvé par le CA. Le PSG est l’outil de transparence par excellence pour expliquer le processus d’inspection et présenter ses objectifs afin de susciter la confiance de toutes les parties prenantes.
Les différentes étapes du processus d’inspection professionnelle
Tout le processus d’inspection professionnelle est effectué sur la plateforme numérique et sécurisée de l’Ordre (Espace Crimino).
À titre d’exemple, si vous êtes sélectionné pour une inspection professionnelle, vous recevrez une notification détaillée par courriel incluant le questionnaire d’autoévaluation. Ce questionnaire est réalisé à partir du référentiel de compétences des criminologues et couvre tous les aspects de la pratique criminologique. Pour compléter votre processus d’inspection professionnelle, vous devrez également joindre trois dossiers professionnels, lesquels sont représentatifs de votre pratique professionnelle. Ces derniers comprennent divers documents notamment : les différents rapports, les plans d’intervention et leurs révisions, les suivis d’activités, les notes chronologiques, les autorisations de consentement, les ordonnances, les fiches d’identifications, etc.
Pour cette première étape, un délai de 30 jours est octroyé pour la complétion du questionnaire d’autoévaluation et la transmission des trois dossiers.
Par la suite, le dossier est transmis à un ou une de nos inspectrices (actuellement, nous avons trois inspectrices et un inspecteur)
qui ont œuvré dans différents domaines dans le champ de la criminologie (milieu jeunesse, adulte, communautaire ou en
pratique privée, etc.). Nos inspectrices et inspecteur ont pour mission de soutenir et d’accompagner les criminologues dans le maintien et le développement de leurs compétences professionnelles et de les sensibiliser à l’égard de leurs devoirs et obligations envers les clients, le public et la profession. Au cours de chaque inspection, l’inspecteur attitré au dossier appelle le ou la membre pour lui poser des questions ou demander des précisions. Les inspectrices et inspecteurs ont un délai de 60 jours pour produire leur rapport d’inspection et soumettre leurs recommandations au comité d’inspection professionnelle (CIP). Ce dernier est responsable de la décision finale.
Il y a quatre niveaux de décisions possibles à la suite d’une inspection, lesquels sont:
+ satisfaire aux exigences de l’Ordre ;
+ satisfaire en partie aux exigences de l’Ordre ;
+ ne pas satisfaire aux exigences de l’Ordre ;
+ débuter une inspection sur la compétence.
Pour la très grande majorité des criminologues, l’inspection confirmera la qualité de votre exercice professionnel. Un rapport d’inspection vous sera envoyé par courriel sur le portail sécurisé.
Lorsque la pratique des membres satisfait en partie ou ne satisfait pas aux exigences, des améliorations doivent être apportées. Un suivi a alors lieu auprès des membres concernés, qui seront réinspectés afin de constater si la pratique professionnelle s’est améliorée. Notons que cela ne doit pas être interprété comme un « échec ». Le CIP émet des recommandations afin d’accompagner le ou la membre vers des pratiques exemplaires. Il peut par exemple recommander de suivre une formation spécifique, de faire des lectures, de porter attention à tel ou tel aspect de sa pratique (la tenue de dossiers par exemple est un aspect qui est souvent plus négligé) ou encore d’être supervisé sur un aspect précis de sa pratique. Il s’agit d’un regard critique sur votre pratique professionnelle qui doit être vu comme un accompagnement. Notez que le contexte de travail est également pris en considération dans le processus d’inspection.
Ainsi, lorsque des enjeux systémiques d’organisation du travail sont révélés, ceux-ci ne peuvent pas être imputables uniquement aux criminologues, et les éventuels rappels déontologiques visent aussi à sensibiliser les organisations. Incontournable pour assurer la crédibilité et l’efficacité du processus d’inspection, la rétroaction permet au criminologue inspecté de prendre conscience de ses forces et de ses lacunes et de réfléchir à sa pratique professionnelle dans une perspective d’amélioration.
Finalement, le CIP peut également procéder à une inspection portant sur la compétence, lorsque celle-ci est mise en doute. Ce type d’inspection peut être déclenchée à la demande du conseil d’administration, du syndic ou encore, à l’initiative du CIP.
De ce fait, parler d’inspection portant sur la compétence professionnelle ne doit pas laisser entendre que la compétence n’est pas évaluée dans le processus initial d’inspection.
En fait, si l’inspection permet de détecter des problématiques de compétence qui pourraient représenter un risque de préjudice important pour le public, le CIP peut souhaiter approfondir la compétence problématique avec cette option additionnelle.
Retenons que l’inspection professionnelle a toujours pour mission d’évaluer les compétences du ou de la criminologue.
Conclusion
Le système professionnel prévoit donc un mécanisme de contrôle des compétences qui repose sur l’autorégulation de la profession par des pairs. Cela signifie que ce sont des criminologues qui vont qualifier et accompagner la pratique de leurs collègues en fonction des standards attendus dans notre profession. Pour des raisons évidentes de conflit d’intérêts potentiel, un ou une inspectrice ne provient jamais de l’équipe de travail du membre inspecté et il en est de même pour les membres du CIP qui se retire lorsqu’ils connaissent le membre inspecté. Mais soyez assuré que tous les criminologues impliqués dans le processus d’inspection sont des professionnels reconnus dans leurs domaines respectifs et sont sensibles à vos réalités. Ils et elles ont exercé vos fonctions et exercent leur jugement avec rigueur et bienveillance dans un climat où la confiance réciproque est nécessaire. L’inspection doit être vue comme un moment privilégié pour faire le point sur sa pratique, pour cibler des éléments à améliorer, pour recevoir de la rétroaction d’un pair chevronné et pour élaborer son plan de développement professionnel continu. J’espère que chaque criminologue attendra désormais non pas avec appréhension et angoisse, mais plutôt avec impatience sa prochaine inspection professionnelle. Je suis sans doute d’un naturel trop optimiste, mais par les temps qui courent, ce n’est peut-être pas plus mal.
David Henry, criminologue
Directeur OPCQ