L’avocat spécialisé en droit carcéral au Québec se consacre à défendre les droits des personnes incarcérées, en veillant à ce que leurs conditions de détention respectent les principes de dignité, de réhabilitation et de justice, tout en évoluant dans les complexités du système carcéral québécois. Le milieu correctionnel, bien qu’à l’abri des regards, est un environnement dans lequel les avocats et divers intervenants interagissent quotidiennement. Ce milieu, encore relativement méconnu en raison de l’accès restreint qu’en ont la majorité des personnes, est en constante évolution. Les droits des détenus, longtemps négligés, continuent de se développer, et leur reconnaissance progresse tant au niveau de la société que des institutions juridiques.
La prise en compte des conditions de détention, du respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux des personnes détenues est de plus en plus inscrite dans les politiques publiques et les décisions judiciaires.
En 1985, la trilogie de la Cour suprême du Canada, composée des affaires Miller, Cardinal et Morin, a marqué un tournant en élargissant les pouvoirs d’intervention des tribunaux en contexte carcéral. Cette série d’arrêts a permis une reconnaissance de l’habeas corpus, en permettant son application pour soustraire des détenus à des formes de détention abusives (isolement) sans pour autant leur accorder la liberté. Cela a souligné l’importance croissante de l’avocat dans ce milieu, car les détenus ont souvent un accès limité aux recours judiciaires. Aujourd’hui, il y a une reconnaissance claire du rôle des juristes dans le système carcéral.
L’avocat en droit carcéral, bien que rare au Québec avec seulement une cinquantaine de praticiens spécialisés exclusivement dans ce domaine, joue un rôle varié. Ces avocats, souvent détenteurs d’une formation plus poussée qu’un baccalauréat en droit, s’engagent pleinement à répondre aux besoins spécifiques de leur clientèle, une population aux nombreux défis. Plusieurs avocats détiennent des certificats en criminologie, en dépendances ou dans tous autres domaines connexes comme la sexologie, la santé mentale ou l’intervention psychosociale. Lorsqu’ils représentent des personnes prévenues ou détenues, ils peuvent contester des décisions administratives, représenter leurs clients devant les comités de discipline, ou encore de formuler des demandes de services externes.
Une fois la peine d’incarcération prononcée, leur travail s’élargit aux demandes de sorties anticipées devant la Commission québécoise des libérations conditionnelles ou la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Ces démarches, qui visent à obtenir la libération de leurs clients de manière structurée pour favoriser leur réinsertion sociale, constituent l’essentiel de leur pratique. En effet, la majorité des clients mandatent l’avocat pour atteindre cet objectif final : retrouver leur liberté.
Le client incarcéré, souvent marqué par un vécu de traumatismes, de toxicomanie ou de troubles de santé mentale, dispose fréquemment de peu de ressources et se retrouve isolé, avec peu de personnes en qui il peut avoir confiance. Dans ce contexte, l’avocat carcéraliste peut faire une grande différence. Il devient également une personne vers qui le détenu peut se tourner pour exprimer ses craintes, partager ses expériences, demander de l’aide et recevoir des conseils. Ce qui distingue l’avocat du criminologue, c’est l’absence de la notion d’autorité dans sa relation avec le client, ce qui permet d’établir une relation privilégiée.
Cette dynamique ouvre l’accès à des informations importantes, contribuant ainsi à une meilleure compréhension des enjeux vécus par le client. Contrairement aux agents correctionnels, aux agents de probation, aux conseillers en milieu carcéral ou aux agents de libération conditionnelle, l’avocat ne joue pas un rôle d’autorité, mais construit une relation dans laquelle le client se sent en sécurité pour défendre ses intérêts.
Cette relation privilégiée permet également à l’avocat de mieux orienter son client à travers le système carcéral, tout en lui offrant des conseils adaptés, entre autres, pour son projet de sortie.
De plus, les criminologues eux-mêmes sollicitent parfois l’intervention des avocats pour faciliter l’accès à la justice des personnes qu’ils suivent dans un cadre criminologique, renforçant ainsi le travail d’équipe pour assurer le respect des droits et l’amélioration des conditions de détention. Il est bien établi que les ressources en milieu carcéral sont souvent insuffisantes, un constat qui découle principalement du manque de budget, de personnel et d’infrastructures appropriées. Cette réalité entraîne des conséquences considérables sur la gestion des établissements et sur la réhabilitation des personnes détenues.
En raison de cette pénurie, les services offerts aux personnes incarcérées, qu’il s’agisse de soins médicaux, de suivi psychologique ou d’activités éducatives, sont parfois limités ou de moindre qualité.
Le manque de personnel, qu’il s’agisse des agents correctionnels, des conseillers culturels ou des travailleurs sociaux, engendre des conditions de travail difficiles et diminue l’efficacité des interventions. Cette situation rend encore plus difficile la tâche des avocats carcéralistes, qui, en plus de défendre les droits de leurs clients, doivent parfois composer avec des difficultés d’accès à leurs clients.
En conclusion, l’avocat carcéraliste occupe une position fondamentale dans la défense des droits des personnes incarcérées, un rôle d’autant plus crucial dans un contexte où les ressources en milieu carcéral sont souvent insuffisantes. Au-delà de sa fonction de défenseur des droits, l’avocat devient un acteur clé pour assurer que les détenus aient accès à la justice, à des soins de santé de base et à des services adaptés à leurs besoins spécifiques. Son travail s’étend également au-delà de la simple représentation, en collaborant étroitement avec les criminologues et autres intervenants du milieu carcéral afin de favoriser la réinsertion sociale des détenus tout en respectant leurs droits fondamentaux.
Bibliographie
R. c. Miller, (1985) 2R.C.S. 613;
Cardinal c. Directeur de l’Établissement
Kent, (1985) 2R.C.S. 643 ;
Morin c. Comité national chargé de
l’examen des cas d’unités spéciales
de détention, (1985) 2 R.C.S. 662.