Un projet rassembleur et novateur
À Laval, comme partout ailleurs, certains parcs sont connus comme étant des zones chaudes où se tiennent plusieurs jeunes gravitant autour des réseaux criminalisés – ou y étant carrément impliqués. Dans ces zones, les relations entre les jeunes, la communauté et les forces policières ont tendance à être sinueuses et tendues, compliquant ainsi les interventions policières et dégradant la vie de quartier.
C’est à partir de cette prémisse que « Basket dans mon parc » vit le jour. Une initiative lancée par Marc-Alexandre Petti, policier à la section prévention du Service de Police de Laval (SPL), ce projet présente toutes les caractéristiques d’une réussite en matière de prévention de la criminalité et de réhabilitation des jeunes.
Chaque jeudi, depuis le 4 juillet 2024, des policiers venant de multiples sections du SPL et des jeunes du quartier se réunissent au Parc des Coccinelles de Laval pour disputer des parties amicales de basket-ball. Cet évènement dédié aux jeunes de 14 à 19 ans réunit néanmoins une grande proportion de la communauté lavalloise, que ce soient les résidents des rues avoisinantes, les organismes communautaires locaux ou même des jeunes criminalisés – ou en voie de l’être – qui, sous d’autres circonstances, éviteraient à tout prix les policiers. Peut-être sont-ils attirés par les prestations de DJs invités qui assurent une ambiance musicale
tout au long de l’activité ? Ou est-ce l’effet des organismes communautaires participants qui, ayant bâti des relations de confiance
avec leurs jeunes, les motivent à venir démontrer leurs prouesses sportives ? Les deux, vous répondrait Marc-Alexandre Petti.
En effet, une des grandes forces du projet est qu’il compte sur la ressource inestimable qu’est le communautaire en mettant à profit les liens privilégiés que les intervenants créent avec la clientèle ciblée. Grâce à eux, les jeunes sont moins craintifs à l’idée de participer au projet. C’est ensuite à travers les parties de basket-ball que les jeunes apprivoisent la police, se défont de leurs préjugés envers l’uniforme et tissent même des relations positives avec les policiers présents.
Pour plusieurs jeunes, il faut se le rappeler, la police n’est pas source de sécurité, mais plutôt de craintes, voire d’animosité.
C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles M. Petti souhaitait lancer Basket dans mon parc. « Ces jeunes ont souvent une vision négative de la police. Je voulais créer un lien avec eux et leur donner une figure d’autorité policière à qui ils peuvent faire confiance et venir voir s’ils en ont besoin, leur montrer que la police peut être là pour les aider aussi. »
Ce projet semble d’ailleurs faire l’unanimité chez les partenaires et les policiers impliqués, tout comme chez les jeunes : on est au rendez-vous et on en redemande. Questionné sur le futur du projet, M. Petti explique qu’il en est encore à un stade embryonnaire et qu’il souhaite d’abord le peaufiner. Éventuellement, si les ressources et la volonté sont au rendez-vous, il est d’avis qu’il pourrait être bénéfique de le répliquer dans d’autres villes.
Des objectifs criminologiques
Évidemment, il y a aussi un objectif de prévention et de réinsertion sociale derrière le projet, la cible primaire étant les jeunes criminalisés ou engagés dans une voie délinquante. Les liens tissés avec les policiers visent autant à éviter que l’adolescent baignant dans un environnement empreint de criminalité ne s’y trempe, qu’à faciliter le retour en communauté de celui qui sort de détention.
« On ne pourra pas tous les sortir de la rue, mais c’est de leur amener des options dans la vie et de les influencer à faire des choix positifs », explique Marc-Alexandre Petti.
L’objectif sous-tendant ce projet est d’éviter les dérives lors d’interactions avec la police. Trop souvent, les contacts entre les policiers et les jeunes impliqués dans la délinquance s’enveniment, teintés des méfiances, craintes et biais que chaque partie entretient envers l’autre
L’activité de basket-ball permet de briser ces barrières et d’ouvrir le dialogue entre les deux groupes. Les policiers peuvent également expliquer aux jeunes le déroulement d’une intervention policière et les meilleures pratiques à adopter lors de celles-ci, afin d’empêcher qu’une situation banale ne dégénère.
Il est facile de voir les liens entre les objectifs de ce projet et les visées du métier de criminologue. En effet, la prévention et la réhabilitation représentent la fondation même du domaine de la criminologie, de même que la collaboration multidisciplinaire comme celle que ce projet permet entre le corps policier, la communauté et les divers organismes communautaires. En plus d’occuper le temps libre de ces jeunes de manière prosociale, Basket dans mon parc permet de tisser un filet social positif autour du jeune, de déconstruire certains de ses biais cognitifs, de l’informer sur le travail policier et de l’outiller dans ses interactions avec les forces de l’ordre.
Il peut donc sembler tiré par les cheveux d’affirmer qu’une partie de basket-ball peut prévenir la criminalité, mais il est primordial de ne pas sous-estimer le pouvoir dissuasif des facteurs de protection, tel que la présence d’une personne significative prosociale auprès du jeune
Ce projet ne sera pas la bouée de sauvetage de tous les jeunes criminalisés qui croiseront son chemin. Toutefois, c’est à travers de telles initiatives que de réels changements peuvent s’opérer dans la communauté, un jeune et un panier à la fois.