Projet PIVOT : Aider les jeunes judiciarisés à prendre un tournant dans leur vie !

Inspiration
Écrit par René-André Brisebois, M.SC. CRIMINOLOGIE

La limite des interventions actuelles auprès des jeunes en difficulté, c’est que très peu d’acteurs parviennent à les rejoindre. Ces individus, qui évoluent généralement en marge de nos institutions sociales (ex. : école, travail, organismes communautaires), se retrouvent à flâner dans la rue avec leurs pairs, ces derniers partageant le même type de vécu et d’expériences face à ces institutions. Trop dérangeants pour y rester, trop impolis pour être tolérés, trop incompris pour être desservis, ces jeunes se marginalisent davantage de jour en jour. Sans compter que pour plusieurs d’entre eux, leur famille ne parvient pas à combler leurs besoins de sécurité, d’appartenance ou de reconnaissance. Dans certains quartiers, des groupes ou réseaux délinquants sont bien présents et permettent à ces jeunes de répondre non seulement à leurs différents besoins, mais également à leur nécessité de se faire accepter et comprendre par des semblables… Mais à quel prix ? Une fois pris dans cet engrenage, les actes criminels et de violence viennent consolider leurs liens avec ces groupes, laissant ainsi planer l’idée qu’il est trop tard, qu’ils ne peuvent plus faire marche arrière ou apporter des changements dans leur vie. C’est exactement à ces pensées ou croyances que le projet PIVOT souhaite s’attarder. Ce n’est qu’en présentant des alternatives intéressantes à leur mode de vie et en alimentant leur pouvoir d’agir que nous pouvons pleinement favoriser leur intégration sociale.

Le projet PIVOT, qui signifie Prévenir et Intervenir sur les Violences Observées sur le Territoire, est un projet pilote de trois ans (2024-2026) en expérimentation dans deux quartiers du Nord-Est de Montréal, soit Rivière-des-Prairies (RDP) et Montréal-Nord (MN), dont la coordination est assurée par l’Institut Universitaire Jeunes en Difficulté (IUJD).

Le but du projet est de réduire les incidents de violences armées dans ces deux quartiers en s’assurant de la mobilisation de différents organismes, tant institutionnels que communautaires, afin d’offrir du soutien et de l’accompagnement aux jeunes âgés entre 16 et 29 ans, qui sont à risque de s’impliquer, ou déjà impliqués, dans des violences armées. Les partenaires qui participent au projet doivent assurément croire aux bienfaits de la prévention. Ils doivent d’autant plus croire que le fait de leur offrir des opportunités sociales peut leur permettre d’apporter des changements dans leur vie et contribuer à leur intégration sociale.

Pour assurer un rôle d’aide, de soutien et d’accompagnement, deux organismes communautaires ont été désignés en raison de leur grande capacité à mobiliser la communauté et à offrir des interventions auprès de jeunes en difficulté. Il s’agit d’Équipe RDP, pour le quartier RDP, et d’Un Itinéraire pour Tous (UIPT), pour le quartier de MN. L’idée maîtresse du projet est que ces partenaires communautaires puissent permettre à leurs intervenants PIVOT d’assurer une présence significative dans tous les moments importants ou marquants de la vie de ces jeunes marginalisés, et ce, peu importe les gestes ayant été commis. Que ce soit lors de l’arrestation (SPVM), de la prise en charge (Services LSJPA (2) ou services correctionnels) ou de la victimisation violente (Traumatologie à l’Hôpital-Sacré-Cœur-de- Montréal), les différents acteurs concernés peuvent faire appel à ces intervenants PIVOT.

La première action de ces intervenants est de développer un lien de confiance avec les jeunes ayant des démêlés avec la justice. Par
la suite, l’intervention consiste à les amener à réfléchir et à se remettre en question quant à certains comportements qui peuvent leur causer du tort ou entraîner des conséquences chez leurs proches. Comme ce ne sont pas tous les jeunes qui seront ouverts à l’intervention, la présence significative et la disponibilité des intervenants PIVOT, ainsi que les liens solides établis avec les différents partenaires de la communauté, deviennent des éléments cruciaux.

Ces liens créés avec les partenaires permettent aux intervenants PIVOT de mieux répondre aux différents besoins des jeunes. Une évaluation des besoins de chacun des jeunes est alors faite afin d’identifier les ressources de la communauté qui leur seront nécessaires et pertinentes à leur démarche de changement. Ainsi, les besoins peuvent toucher différentes facettes telles que la scolarité, l’employabilité, le soutien psychologique, la toxicomanie, la santé mentale ou physique, les loisirs et l’hébergement. Bref, les intervenants PIVOT doivent s’assurer que les différentes ressources de la communauté susceptibles de répondre aux besoins des jeunes ciblés par le projet soient mobilisées.

En terminant, en plus d’offrir du soutien à ces jeunes, il importe d’interpeller la communauté dans son ensemble, soit en incluant les citoyens dans la démarche. Ceux-ci doivent se mobiliser pour voir la violence cesser dans leur quartier. Et pour se faire, deux agents de mobilisation PIVOT affectés à chacun des deux quartiers se consacrent à ce travail. Ces agents doivent solliciter la participation des leaders de la communauté pour aller rejoindre l’ensemble des citoyens. Ces leaders peuvent être des chefs religieux, des entraîneurs sportifs, des personnalités connues ou toute autre personne susceptible d’influencer la voix des citoyens. Il faut ainsi que le message véhiculé soit clair : les citoyens de cette communauté ne veulent plus tolérer cette violence armée puisqu’elle nuit à l’ensemble de la collectivité. Ils doivent nommer leurs préoccupations quant à la sécurité de leurs enfants, y compris la sécurité des jeunes judiciarisés qui sont également les enfants, les frères et les cousins de membres de la communauté.


René-André Brisebois est coordonnateur du projet PIVOT et Agent de planification, de programmation et de recherche à
l’Institut Universitaire Jeunes en Difficulté du CIUSSS Centre-Sud-de- l’Île-de-Montréal.

Références
(1) Braga, A.A., Weisburd, D.L. & Turchan, B. (2018). Focused Deterrence Strategies and Crime Control : An Updated Systematic Review and Meta-Analysis of the Empirical Evidence. Criminology & Public Policy 17(1) :202–50. Williams, D. J., Currie, D., Linden, W., & Donnelly, P. D. (2014). Addressing gang-related violence in Glasgow : A preliminary pragmatic quasi-experimental evaluation of the Community Initiative to Reduce Violence (CIRV). Aggression and Violent Behavior, 19, 686 – 691.
(2) Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents