Julie Carpentier

Portrait
Écrit par Claudie Rémillard, B. Sc., criminologue

Détentrice d’un baccalauréat, d’une maitrise ainsi que d’un doctorat de l’École de Criminologie de l’Université de Montréal, Julie Carpentier a su très jeune qu’elle souhaitait entreprendre un parcours en criminologie. Pour cette jeune adolescente, la ligne pouvait être mince entre les facteurs menant une personne vers une trajectoire délinquante ou prosociale. Originaire d’un petit village, elle était sensible aux préjugés entretenus à l’égard des personnes étiquetées comme « délinquantes » et leurs familles. Alors que personne autour d’elle ne connaissait le métier de criminologue, elle a choisi d’y plonger à fond et d’y consacrer sa carrière, ce qu’elle s’exerce à faire depuis déjà plus de 20 ans.

Mme Carpentier a entrepris ses études au baccalauréat en criminologie en 1998. C’est par un concours de circonstances qu’elle s’est retrouvée à effectuer un stage en délinquance sexuelle auprès d’adolescents, stage qu’elle n’avait pas choisi. Pourtant, cette incursion au sein d’une équipe multidisciplinaire spécialisée dans le domaine sera décisive sur la suite de sa carrière. Dans le cadre de son stage, elle aura entre autres l’opportunité de participer à la rédaction d’un premier article scientifique, ce qui lui donnera envie de poursuivre ses études à la maitrise. Sa soif d’apprendre et le désir de développer une expertise plus pointue en délinquance sexuelle la poussent aussi vers des études de cycle supérieur. Son mémoire de maitrise et sa thèse de doctorat seront consacrés à l’étude de la carrière criminelle des adolescents auteurs d’agressions sexuelles. De façon assez surprenante, c’est davantage par intérêt personnel que par désir de poursuivre une carrière en recherche qu’elle a entrepris et complété son doctorat en criminologie, puisque qu’elle s’est longtemps définie plutôt comme une criminologue clinicienne et non comme une chercheure.

Il faut dire que Mme Carpentier a fait l’entièreté de ses études universitaires tout en travaillant à temps plein comme clinicienne et en combinant un, parfois deux emplois en parallèle. Elle a d’abord été embauchée comme éducatrice en centre de réadaptation au Centre jeunesse de la Montérégie où elle a travaillé pendant quelques années. Puis, elle a occupé des fonctions d’agente de relations humaines (ARH) au sein de la même organisation avant d’être embauchée comme criminologue à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel (INPL) en 2003. Mme Carpentier rapporte que cet événement fut un point marquant dans sa carrière, puisqu’il lui était possible, pour la première fois, de porter le titre de « criminologue » au sein de son organisation. Il faut dire que l’Institut Philippe-Pinel était l’une des seules organisations de l’époque qui reconnaissait le titre professionnel de « criminologue », reconnaissance qui était d’une grande importance pour elle. Cette opportunité lui permettait aussi de se voir octroyer des tâches spécifiques à sa spécialisation, comme l’évaluation de la dangerosité et du risque de récidive. Mme Carpentier a travaillé au sein de divers programmes et unités internes et externes à l’INPL, avec différentes clientèles adultes, mais a principalement occupé ses fonctions au Programme pour adolescents auteurs de transgressions sexuelles, soit dans cette même équipe qui l’avait accueillie comme jeune stagiaire des années auparavant et avec qui elle continuait toujours de collaborer en recherche. Durant ses études de maitrise et de doctorat, elle a aussi travaillé comme assistante de recherche au Centre de recherche de l’INPL et a enseigné comme chargée de cours à l’Université de Montréal.

En 2009, la carrière de Mme Carpentier prend un nouveau tournant alors qu’elle est embauchée en tant que professeure régulière au département de psychoéducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Alors qu’elle n’a jamais envisagé de devenir professeure-chercheure, elle tombe par hasard sur une offre d’emploi publiée dans le journal local de sa région natale et qui semblait « écrite pour elle ». Sans trop savoir dans quoi elle s’embarque, elle choisit de foncer dans cette aventure qu’elle verra comme une nouvelle opportunité de dépassement personnel et de travail sur soi. Malgré un horaire chargé et de nombreuses responsabilités, elle parviendra à continuer d’exercer ses fonctions de criminologue clinicienne au programme pour adolescents de l’INPL à temps partiel pendant près de 15 ans, par souci de continuer à actualiser sa pratique, de rester connectée à la réalité des professionnels sur le terrain et par passion pour la clientèle adolescente. Dans le cadre de ses fonctions universitaires, elle reste fidèle à son identité professionnelle de criminologue en enseignant des cours d’évaluation et d’intervention en délinquance et en violences sexuelles, en supervisant des stages dans des milieux liés à la délinquance et en menant des activités de recherche dans le domaine. Elle compte à son actif une trentaine de publications scientifiques, une centaine de communications offertes au Québec et à l’international et plusieurs activités de formations destinées aux professionnels. Certains de ses travaux de recherche ont eu des retombées majeures, comme ceux menés avec le professeur Christian Joyal sur les intérêts paraphiliques qui sont désormais cités dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5-TR), une première pour une étude québécoise. Mme Carpentier compte plusieurs affiliations de recherche, elle est notamment chercheure régulière au Centre international de criminologie comparée (CICC) et au Centre de recherche de l’INPL Philippe-Pinel, pour ne nommer que ces deux centres. Elle est aussi très impliquée au sein du Regroupement des intervenants en matière d’agression sexuelle (RIMAS) où elle agit comme représentante universitaire au conseil d’administration depuis 2017. Elle a aussi siégé au conseil d’administration du CAVAC de la Mauricie pendant une douzaine d’années.

Chose certaine, Mme Carpentier a travaillé avec acharnement pour réussir à conjuguer son parcours de clinicienne et son parcours en recherche. Elle a consacré beaucoup de temps et d’énergie pour atteindre son objectif, mais c’est ce qui lui permet d’avoir un sentiment de compétence et d’épanouissement. À son parcours professionnel qui peut sembler déjà bien accompli, s’ajoute la publication d’un ouvrage de référence dédié aux intervenants et aux étudiants. L’édition de ce livre, Délinquance à l’adolescence: Comprendre, évaluer, intervenir, en collaboration avec Catherine Arsenault, Ph. D. et Marc Alain, Ph. D., représente un lègue tangible pour les personnes œuvrant en délinquance. Ce projet, qui est en quelque sorte un cadeau qu’elle s’est fait, lui permet de rendre accessible un livre quelle aurait elle-même aimé avoir entre les mains à ses débuts comme criminologue.

Ce que cette criminologue souhaite pour la suite de sa carrière est de continuer à contribuer au développement de l’expertise en délinquance sexuelle et à travailler, avec le RIMAS et ses collègues, à faire des ponts entre les milieux de pratique et la recherche, ainsi qu’entre les professionnels qui œuvrent auprès des personnes victimes et ceux qui œuvrent auprès des auteurs d’infractions sexuelles, pour que tous travaillent ensemble.

À l’attention de la relève en criminologie, elle souhaite les encourager à poursuivre une formation continue et à s’appuyer sur une supervision professionnelle régulière. Se développer tout au long de sa vie permet non seulement de devenir de meilleurs professionnels, mais aussi d’enrichir ses compétences. Elle souligne également l’importance de reconnaître et de respecter ses propres limites, tout en gardant à l’esprit que chaque client et chaque situation apportent des enseignements précieux qui contribuent à notre construction en tant qu’intervenants. Oser expérimenter, sortir de sa zone de confort et travailler dans des milieux parfois peu attrayants au premier abord, c’est s’ouvrir à des opportunités insoupçonnées.