La posture professionnelle du criminologue

Éthique
Écrit par Mélanie Guyon, criminologue - chargée d'enseignement - Université Laval

La profession de criminologue requiert une posture professionnelle spécifique, en raison des particularités du travail effectué avec des individus soumis à des obligations légales. En effet, lorsqu’un criminologue intervient auprès de clients dans un contexte judiciaire, iln doit non seulement jouer un rôle d’aidant, mais aussi veiller au respect des contraintes légales liées à leur statut. Cette situation met l’intervenant dans une position d’autorité, qui peut se révéler complexe à gérer.

Il est fondamental de souligner que l’aide apportée par un criminologue repose sur des principes d’autodétermination et de liberté de choix. Ces valeurs sont au coeur de la profession d’intervenant, car elles favorisent une relation d’aide basée sur le respect de la volonté de la personne.

L’intervention criminologique ne doit pas s’apparenter à une relation d’autorité, bien que, dans certains cas, cette dernière soit nécessaire en raison des obligations légales. Cette dualité, entre l’aidant et l’autorité, peut sembler contradictoire. Cependant, elle fait partie intégrante de la réalité professionnelle des criminologues. En début de carrière, certains intervenants peuvent éprouver des difficultés à équilibrer ces deux positions. Ils peuvent soit rejeter l’idée d’autorité, soit en abuser. Ce dilemme illustre bien les défis auxquels fait face tout criminologue dans sa pratique quotidienne.

Au-delà de cette complexité, il existe des attentes précises en ce qui concerne la posture professionnelle du criminologue. Celle-ci englobe l’ensemble des comportements, des attitudes et des compétences que l’intervenant doit adopter dans l’exercice de sa profession. La posture professionnelle inclut la manière dont le criminologue interagit avec ses collègues, ses supérieurs, ainsi que ses clients ou partenaires. Une bonne posture implique également le respect des valeurs éthiques et des normes professionnelles, qui garantissent une pratique juste, équitable et respectueuse des personnes accompagnées.

Cela dit, l’aspect professionnel ne se limite pas seulement à l’interaction avec les clients.

En tant que criminologue, il est de notre responsabilité de maintenir notre crédibilité professionnelle et de préserver une image publique irréprochable. La notion de réserve, dans ce contexte, revêt une grande importance.

Un criminologue doit être conscient des répercussions de ses paroles et de ses actions, notamment sur les réseaux sociaux. Par exemple, il serait inapproprié pour un criminologue d’exprimer ses opinions politiques ou d’afficher des affiliations partisanes de manière visible. Cela pourrait nuire à l’impartialité et à la neutralité, des valeurs essentielles à la profession. En tant qu’intervenants professionnels, nous avons le devoir de rester objectifs et de défendre les intérêts de notre discipline en toutes circonstances. Cela implique aussi d’être en mesure de distinguer clairement la sphère personnelle de la sphère professionnelle.

Il est d’autant plus crucial de respecter cette réserve et cette impartialité qu’un criminologue représente l’ensemble de sa profession et les valeurs qui lui sont associées. En devenant criminologue, l’individu devient également un défenseur des intérêts de la profession, veillant à en préserver la réputation et à promouvoir les pratiques éthiques. La réputation d’un criminologue est intimement liée à celle de l’ensemble de la profession, et tout comportement inapproprié peut avoir des répercussions bien au-delà de l’individu concerné.

Le public, lorsqu’il sollicite l’aide d’un criminologue, doit pouvoir s’attendre à un service professionnel qui respecte des standards d’éthique, de compétence et de neutralité. L’intervention criminologique repose sur la confiance, et cette confiance est conditionnée par l’assurance que les criminologues interviennent de manière objective et impartiale, sans laisser leurs préférences personnelles ou leurs opinions influencer leurs actions. Cette exigence d’impartialité s’explique par le fait que les criminologues travaillent avec des individus dans des situations souvent complexes, où des enjeux importants de liberté et de réinsertion sociale sont en jeu.

C’est là toute la raison d’être des ordres professionnels. Ces instances veillent à la qualité et à l’intégrité de la pratique en imposant des règles éthiques et des normes qui protègent à la fois les professionnels et le public. Les ordres professionnels existent avant tout pour garantir que les services offerts au public respectent des standards élevés, ce qui contribue à la protection de l’intérêt public. Les criminologues, en tant que membres d’un ordre professionnel, ont donc la responsabilité de se conformer à des codes de conduite, qui les obligent à adopter une posture éthique irréprochable tant dans leur pratique professionnelle que dans leurs comportements personnels.

Enfin, la profession de criminologue nécessite une constante remise en question de sa propre posture. L’équilibre entre l’aide, l’autorité et la responsabilité sociale peut être délicat à maintenir.

Cette dualité s’observe notamment lors des interactions avec des individus sous obligation légale. Dans ces cas, il est parfois difficile de concilier l’empathie nécessaire à l’aide et le rôle coercitif imposé par la législation. Pourtant, c’est cet équilibre qui définit la complexité et la spécificité de la profession de criminologue. Chaque situation rencontre des défis uniques, qui exigent de l’intervenant qu’il adapte sa posture, qu’il reste vigilant et qu’il agisse toujours dans l’intérêt de la personne, mais aussi dans le respect des impératifs légaux.

En somme, la profession de criminologue est marquée par un ensemble d’exigences et de responsabilités. L’adoption d’une posture professionnelle adéquate est essentielle pour garantir la qualité des interventions et le respect des valeurs de la profession. La posture professionnelle d’un criminologue doit donc allier compétences, valeurs éthiques, neutralité, et respect des obligations légales. Tout cela dans le but de garantir des interventions justes, impartiales et respectueuses des droits de chacun.