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Un réseau communautaire incontournable !

Texte éditorial : Le Beccaria 8

De mémoire, jamais le thème du Beccaria n’a suscité autant de participation de votre part. La quantité et la qualité des textes démontrent amplement l’importance de mettre en valeur le réseau communautaire. La lecture de ce webzine permettra de découvrir des programmes et des projets novateurs offerts par un réseau en constante évolution et soucieux de prendre en charge un éventail de services, notamment dans le domaine de la criminologie.

Longtemps, les organismes communautaires ont été considérés comme offrant des interventions de second ordre. La population et même les décideurs avaient l’impression qu’on y trouvait des personnes portant « des sandales et des bas de laine qui manifestaient avec des pancartes » pour le bien de clientèles non spécifiques. Les employés avaient peu ou pas de formation en lien avec la mission de l’organisme. C’est par son professionnalisme et sa détermination que le réseau communautaire a réussi à changer cette vision limitée et qu’il a maintenant ses lettres de noblesse.

Considérant que ce réseau remonte à plus d’un siècle, un peu d’histoire s’impose

C’est au tournant du 20e siècle que sont nés les premiers organismes communautaires au Québec. Bien entendu, ils étaient presque tous sous l’égide des communautés religieuses et offraient de l’aide aux plus démunis sans spécificité particulière. L’engagement religieux et bénévole permettait d’assurer la prestation de services ainsi que la survie de ces organismes.

Dans les années 1930 et suivantes, le Québec a connu une augmentation de la pauvreté, conséquence de la Grande Dépression. Les services des organismes communautaires étaient davantage sollicités afin d’aider les personnes dans le besoin. Encore là, nous y trouvions peu de spécialisation, les problématiques étaient davantage liées aux indigents et à la pauvreté.

Durant les années 1960, celles de la Révolution tranquille, le Québec a vécu une période de transformation sociale et politique. Les besoins sociaux ont changé, et ce fut une période où plusieurs organismes communautaires ont été créés. Leur organisation était plus structurée, mais la reconnaissance de la population de l’importance de ces organismes était encore à l’état embryonnaire.

Les services aux délinquants

Sur le plan correctionnel, c’est aussi dans cette période que les instances gouvernementales ont modifié leur approche quant à la prise en charge des délinquants. En effet, en 1953, un comité fut chargé de faire enquête sur la mise en liberté sous condition au niveau fédéral. Sous la présidence d’un juge de la Cour suprême, Gérald Fauteux, ce groupe présenta son rapport final en 1956, dans lequel on trouve de nombreuses critiques à l’égard de la mise en place des libérations conditionnelles1.

Le rapport souligne le fait que la libération conditionnelle est utilisée principalement pour inciter les détenus à un bon comportement en prison, plutôt que pour les motiver et les encadrer en vue d’une meilleure resocialisation au moment de leur retour dans la société. Selon le rapport, la libération conditionnelle ne devrait pas être comprise comme le résultat d’un processus de réadaptation, mais comme un instrument même de resocialisation.

Le comité recommande que les détenus soient évalués non seulement à partir de leur conduite en prison, mais surtout sur la base des éléments capables d’indiquer les chances de réussite de la libération conditionnelle, comme le progrès du détenu, son changement d’attitude et ses probabilités de réadaptation2. Nous en sommes aux premiers pas de la réinsertion sociale « moderne » des clientèles judiciarisées.

Le Québec connaît alors le développement de services permettant d’atteindre les nouvelles orientations proposées par le rapport. En 1962, l’Association des services de réhabilitation sociale du Québec (ASRSQ) voit le jour, et dans les décennies de 1960, 1970 et 1980 émergent plusieurs maisons de transition (Centres résidentiels communautaires) dans différentes régions du Québec. Le principe de réinsertion sociale prend tout son sens, considérant que l’offre de services de ces organismes permet une meilleure prise en charge de la personne libérée sous condition tant dans le système fédéral que provincial.

C’est aussi dans cette période que le Québec a vu une augmentation significative du nombre d’organismes communautaires, notamment dans des domaines tels que la santé, l’éducation, les services aux immigrants et aux réfugiés, les droits des femmes, les droits des Autochtones et la lutte contre la pauvreté. Sur le plan correctionnel, c’est plus de 74 organismes qui sont maintenant membres de l’ASRSQ et qui offrent des services, notamment en matière de réinsertion sociale, de délinquance sexuelle, d’employabilité, de justice réparatrice, de défense des droits, de dépendance, de gestion de la colère et même aux familles des personnes judiciarisées3.

Au sujet des victimes, c’est en 1988 que le gouvernement a adopté la Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels, qui a permis l’ouverture des Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC), dans différentes régions du Québec.

Fait important, les organismes communautaires ont progressivement été reconnus comme des partenaires importants dans la prestation de services correctionnels et sociaux au Québec. Ils reçoivent plus de financement public, tout en maintenant leur indépendance et leur autonomie. Les organismes travaillant avec les délinquants provenant du système provincial sont même intégrés dans l’article 1 de la Loi sur le système correctionnel du Québec, adoptée en 2002 par l’Assemblée nationale du Québec4. En considérant les organismes communautaires comme partenaires, le gouvernement reconnaît leurs compétences dans la réinsertion sociale des contrevenants.

Au cours des dernières décennies, l’alourdissement des problématiques sociales et correctionnelles a mené à des réformes majeures des programmes sociaux, ce qui a eu un impact sur les organismes communautaires. Ils ont dû s’adapter aux nouveaux besoins de la population et aux nouvelles politiques gouvernementales. Des organismes de plus en plus spécialisés soutiennent les différentes instances gouvernementales dans la prise en charge de la clientèle. Sans le réseau communautaire, la mission première des services correctionnels du Québec et du Canada ne pourrait être accomplie adéquatement.

Au long cours, nous pouvons constater que l’histoire des organismes communautaires au Québec est marquée par une évolution constante en réponse aux besoins changeants de la société. Ils jouent un rôle essentiel dans la promotion de la justice sociale, des droits de la personne, ainsi que dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

Aujourd’hui, les organismes communautaires au Québec continuent de jouer un rôle central dans la société, offrant une gamme diversifiée de services et de programmes pour répondre aux besoins des Québécois, tout en défendant les droits des populations les plus vulnérables. À bien regarder les besoins de la population, que ferait le Québec sans l’apport important de tous les services spécialisés offerts par ces organismes.

Je dis souvent que j’ai le « C » tatoué sur le cœur, pas pour le Canadien de Montréal, mais pour « Criminologie et Communautaire ». Les deux vont de pair dans mon cheminement professionnel. À la lecture des nombreux textes de ce Beccaria, vous serez à même de constater que nous avons de quoi être fiers de ce réseau. Il est unique au Canada et, force est de constater que nous faisons des envieux tant en raison de la qualité que de la palette de services offerts.

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Josée Rioux, criminologue
Présidente, OPCQ

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1

Gérald Fauteux, Rapport Fauteux. Rapport d’un comité institué pour faire enquête sur les principes et les méthodes suivies au Service des pardons du ministère de la Justice du Canada, Imprimeur de la Reine, Ottawa, 1956.

2 Gouvernement du Canada : https://www.canada.ca/fr/commission-liberations-conditionnelles/organisation/historique-de-la-liberation-conditionnelle-au-canada.html#p3

3 Association des services de réhabilitation sociale du Québec : asrsq.ca

4 LegisQuébec : https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/s-40.1

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