Adoptée en 2003 sur l’ensemble du territoire canadien, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) définit le cadre d’intervention extrajudiciaire et judiciaire à suivre à l’égard des jeunes âgés de 12 à 17 ans ayant commis une infraction au Code criminel et à d’autres lois fédérales. Ainsi, lorsqu’une infraction a été commise par un adolescent, il existe des mesures adaptées qui lui permettent de réparer les torts causés par son acte, en tenant compte de la personne victime et de la collectivité.
Parmi les mesures proposées aux adolescents pour réparer leur geste, citons la médiation, une des démarches de réparation envers la personne victime, les travaux communautaires qui s’adressent à la collectivité ou encore celles visant la sensibilisation. Au Québec, le réseau Équijustice est l’un des organismes qui participent à la mise en œuvre de ces mesures et à l’accompagnement de toutes les personnes concernées par la démarche de réparation.
Si la portée réparatrice d’une démarche envers la personne victime semble évidente, celle envers la collectivité peut paraître plus subtile. Équijustice a fait le pari de faire des démarches envers la collectivité un processus de justice réparatrice en soi.
Comment la justice réparatrice peut- elle s’actualiser dans une démarche de travaux communautaires ?
Les travaux communautaires se définissent comme « un service qu’un contrevenant rend à la communauté (…) une activité consentie et accomplie gratuitement par l’auteur d’une infraction (1)… » . À défaut de s’impliquer directement envers la victime, l’adolescent offrira son temps et son engagement à un organisme communautaire qui, par sa mission, a un impact social positif.
Selon les statistiques internes du Réseau Équijustice, les démarches de réparation prévoyant une implication dans la collectivité représentent près de 60% des cas qui leur sont adressés.
Ces démarches s’inscrivent dans les principes de la justice réparatrice lorsqu’elles visent à :
- permettre à l’adolescent de réparer les torts causés par l’infraction qu’il a commise;
- offrir aux personnes touchées par un crime l’occasion d’être actrices du processus judiciaire ou extrajudiciaire;
- contribuer au bien commun par l’apport de l’adolescent à la mission des organismes venant en aide à la collectivité;
- permettre aux parents de participer à la démarche de réparation et de soutenir son adolescent;
- favoriser le dialogue.
Comment les adolescents, la communauté et les parents deviennent-ils des acteurs de la démarche ?
Concernant les adolescents…
Attentifs à l’histoire de chacun, les intervenants d’Équijustice accueillent les contrevenants, sans a priori ni parti pris, en évitant les étiquettes. Nos intervenants adoptent une posture non suggestive et de non-jugement qui permet au jeune contrevenant d’exprimer son point de vue, de se réapproprier la situation vécue et d’explorer toutes les avenues possibles offertes par la démarche de réparation.
Cette approche individuelle et personnalisée, centrée sur l’écoute attentive, est favorisée par les intervenants dans le but de créer un lien de confiance, d’encourager le dialogue et une participation active du jeune contrevenant. Elle offre à l’adolescent l’occasion de comprendre son rôle dans la démarche de réparation et d’y souscrire pleinement.
Au-delà du constat de la transgression d’une norme, c’est le sens de la réparation qui prévaut dans la démarche. Lors des rencontres avec l’intervenant, l’adolescent est soutenu dans sa réflexion et encouragé à se poser un certain nombre de questions, visant à lui permettre de construire et d’adhérer à la mesure plutôt que de la subir.
Concernant la communauté…
Dans notre réseau, nous adhérons à l’idée, soutenue par Lode Walgrave (2), qui établit qu’un crime ne concerne pas seulement la victime qui l’a subi. En effet, les répercussions d’un acte criminel vont bien au-delà de l’individu, mais touchent, par ricochet, la société dans son entièreté. Il est donc primordial de reconnaitre le rôle de la collectivité dans le processus de réparation. Cette position permet de définir la place et l’implication des organismes communautaires avec lesquels nous collaborons, de les valoriser dans le rôle qu’ils ont à jouer et d’éviter leur instrumentalisation à des fins de réhabilitation du jeune.
Notre approche permet de nous assurer qu’ils ne sont pas de simples structures d’accueil, mais bien des acteurs de la démarche et du dialogue avec le jeune contrevenant. Chaque fois que l’adolescent choisit un organisme de sa communauté, il accomplit un acte de reconnaissance envers la mission et les activités de ce dernier. Pour notre organisme, la réparation prend tout son sens dans le dialogue. Accompagné de l’intervenant, l’adolescent va présenter sa réflexion et les motivations qui l’ont conduit à choisir cette mission en particulier pour réparer les torts causés. Cette rencontre entre l’adolescent et l’organisme choisi est le moment où la démarche de réparation est reconnue, actée.
Ces pratiques d’intervention ont pour objectifs de susciter l’adhésion tant des adolescents que des organismes collaborant au processus, de clarifier les objectifs des travaux vis-à-vis des autres démarches de réparation existantes, de recentrer la pratique sur l’idée de réparation plutôt que de punition.
Concernant les parents…
Pour soutenir la réalisation de cette démarche, nous offrons l’espace pour que les parents participent à la démarche aux côtés de leur enfant. En tant qu’acteurs dans la vie de l’adolescent ils sont invités à le soutenir dans ses réflexions sur ce qui s’est passé et sa façon de le réparer en s’impliquant dans toutes les étapes du processus qui le concerne.
Finalement, c’est l’ensemble de ces dimensions qui donnent la saveur réparatrice à tous les services d’accompagnement que nous offrons. Ce sont ces éléments qui font que les travaux communautaires chez les adolescents sont une démarche de justice réparatrice en soi. Fondée sur la réparation des torts causés, l’agentivité, le dialogue et la participation des personnes, la justice réparatrice contribue à créer une société plus juste et inclusive dans l’intérêt des jeunes contrevenants, de leurs proches, des personnes victimes et de la communauté.
(1) CAUCHIE, Jean-François, Peines de travail, justice pénale et innovation, 2009, éditions Larcier
(2) WALGRAVE, Lode, La justice restaurative: à la recherche d’une théorie et d’un programme, La justice réparatrice, Vol.32, Nb 1, printemps 1999