St-Exupéry disait :
« C’est l’amour du métier qui réunit les hommes ! »
La criminologie est le plus beau métier du monde, et les criminologues sont fiers de leur profession. C’est ce qui nous unit.
Travailler avec des personnes qui ont des besoins particuliers est très valorisant. Ces dernières ont généralement vécu plusieurs difficultés au cours de leur vie, et les choix qu’elles ont faits sont souvent guidés par un besoin de survie ou un désir de satisfaire un plaisir furtif.
Pour nous, criminologue, le défi est grand. Bien que nous soyons convaincus que la majorité de notre clientèle mérite une main tendue et de l’aide dans le processus de changement, il est clair que notre double mandat nous demande parfois d’ajuster nos interventions.
Je dis souvent que les intervenants en contexte mandaté sont « bipolaires »… Effectivement, savoir s’ajuster entre l’aide et l’autorité demande une souplesse et une rigueur qui deviennent parfois usantes. Arriver à maintenir un lien de confiance tout en s’assurant du respect des conditions ou des obligations légales demande une sensibilité et un doigté exceptionnels.
Notre profession devient parfois lourde émotivement. C’est là où une bonne dose d’équilibre psychologique est importante. En effet, l’imprévisibilité de nos clients fait en sorte que nous devons souvent être à l’affut des changements d’humeur et des risques de récidive. C’est une grande responsabilité qui peut être parfois assez pesante. Protéger la société et évaluer si une personne est à risque de récidive, même si nous sommes formés pour ça, est une responsabilité toujours un peu stressante. Il ne faut pas oublier que nous sommes notre propre outil d’intervention et que lorsque nous ne sommes pas en possession de nos pleins moyens, le risque d’épuisement devient plus probable.
Les causes de l’épuisement peuvent être multiples : une charge de travail élevée avec des cas difficiles et complexes, une exposition plus fréquente à la détresse émotionnelle, un manque de soutien de la part de nos organisations, une empathie excessive, un traumatisme secondaire, pour ne nommer que ceux-là. Comment rester équilibré dans ces contextes ?
Selon une étude faite en 2022 par Canada Life, plus de 60 % des professionnels de la santé mentale au Canada souffriraient d’épuisement professionnel, tandis que tous les autres secteurs affichaient un taux d’épuisement professionnel supérieur à la moyenne canadienne de 35 %.
L’Observatoire sur la santé et le mieux-être au travail (OSMET) rapporte en octobre 2023 qu’entre 2021 et 2023, la détresse psychologique touchait 38,6 % des répondantes et répondants, tandis qu’entre 12 et 15,9 % rapportaient des symptômes de dépression ou d’anxiété; 25,4 % disaient vivre de l’épuisement professionnel et 22,4 % consommaient des médicaments psychotropes. Bien que ces chiffres concernent l’ensemble de la population, nous sommes en droit de penser que les professionnels du réseau de la santé et des services sociaux ainsi que du réseau correctionnel peuvent facilement faire partie de ces statistiques.
En tant qu’intervenants, nous voulons aider les personnes, faciliter leur réinsertion sociale, demeurer empathiques face aux contrevenants, à leur vécu et à leur situation souvent très difficile.
On nous demande de contrôler, protéger la collectivité, viser la bonne conduite du justiciable, sa conformité face aux normes sociales. Il faut aussi viser la non-récidive, et le criminologue doit être capable de jongler avec l’aide et l’autorité. C’est tout un mandat que d’arriver à faire un mariage entre ces deux concepts.
Comment maintenir une bonne hygiène mentale au long cours afin d’éprouver autant de plaisir à aider ceux qui ne veulent généralement pas être aidés ?
Avoir une bonne connaissance de soi permet de reconnaître les moments de vulnérabilité où nous devons faire davantage attention lorsque nous intervenons.
Afin de prévenir l’épuisement professionnel, il est important de prendre soin de nous, mais il faut viser aussi que les organisations mettent en place des stratégies de soutien aux employés, comme la supervision clinique régulière, l’accès à des ressources de gestion du stress, la promotion d’une culture organisationnelle qui valorise le bien-être des employés et la reconnaissance des signes précoces d’épuisement professionnel, afin d’intervenir rapidement et efficacement. C’est un défi qui demeure encore grand, mais qui doit être accepté par tous afin que nous puissions encore pratiquer notre profession avec autant de plaisir tout au long de notre parcours professionnel.
En terminant, je tiens à vous rappeler la tenue de notre 2e congrès, les 24 et 25 octobre prochains, à Montréal :
« L’adaptabilité et l’innovation dans un contexte de changement.
Les pratiques en matière de santé mentale, de psychiatrie légale, de dépendance, d’itinérance, auprès des jeunes en difficulté, auprès des communautés autochtones, en matière de justice réparatrice, de violence sexuelle entre partenaires intimes et sur le plan des nouvelles technologies. »
N’oubliez pas de mettre ces dates à vos agendas !
Je vous souhaite un beau printemps !
Josée Rioux, criminologue
Présidente, OPCQ
Références