Skip to content

Lettre ouverte de l’OPCQ dans La Presse

Protéger les victimes, éviter les récidives

C’est avec grand intérêt que l’Ordre professionnel des criminologues du Québec (OPCQ) a accueilli la récente annonce concernant le projet de loi 24 visant l’utilisation du bracelet antirapprochement afin de mieux protéger les victimes de violence conjugale.

La Presse, 23 février 2022

JOSÉE RIOUX, CRIMINOLOGUE, PRÉSIDENTE DE L’ORDRE PROFESSIONNEL DES CRIMINOLOGUES DU QUÉBEC

De l’avis de l’OPCQ, le déploiement de bracelets antirapprochements vient s’inscrire comme une mesure phare visant à protéger les victimes et leur procurer un sentiment accru de sécurité. Comme ordre professionnel dont la mission est la protection du public, nous ne pouvons que l’accueillir favorablement et saluer cette première au pays qui donne un signal clair quant aux intentions du gouvernement face à la violence conjugale.

Par ailleurs, nous demeurons préoccupés à l’idée de créer un faux sentiment de sécurité chez les victimes, si cette initiative ne s’inscrit pas dans une perspective visant notamment la réhabilitation des auteurs de violence conjugale. De surcroît, nous croyons que, dans plusieurs situations, il s’agit d’une mesure qui ne saurait avoir la pertinence escomptée.

En effet, nous devons considérer la violence conjugale comme une globalité qui inclut une victime et un auteur. Ainsi, il est incontournable de travailler à la genèse du problème, c’est-à-dire auprès de la personne qui utilise la violence. Le bracelet représente en soi une modalité exerçant une forme de contrôle qui ne permet pas par ailleurs à l’auteur de travailler sa problématique.

Sans engagement dans une démarche thérapeutique, le bracelet risque simplement de remettre à plus tard les comportements de violence et la dangerosité pour la victime.

À ce triste chapitre, pensons aux deux féminicides survenus ces derniers jours s’ajoutant à près d’une vingtaine d’autres l’an dernier. La coroner Gamache soulevait en mai 2020 l’importance des services mis en place pour s’assurer que la personne contrevenante abandonne ses comportements violents?1. Dans son rapport « Rebâtir la confiance »?2, paru la même année, le comité d’experts rejoignait aussi ces préoccupations.

L’OPCQ reconnaît que le groupe d’action gouvernementale placé sous la responsabilité de la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a procédé à l’annonce de plusieurs mesures et investissements depuis 2020. Nous craignons toutefois que ces mesures ne puissent prendre complètement effet sans une instance imputable d’en coordonner l’actualisation.

Ensemble, saisissons l’occasion que le déploiement des bracelets antirapprochements nous offre collectivement de s’inscrire dans une approche intégrée de services. Nous ne pouvons plus en faire l’économie.

Ainsi, nous souhaitons que l’avènement de cette modalité novatrice soit également l’occasion de mettre de l’avant davantage de mesures et d’actions fédératrices qui, au-delà de prévoir quels acteurs, autres que les tribunaux, pourraient en imposer le port sauront saisir l’enjeu de la violence conjugale dans sa globalité. Nous nous devons cela comme société.

À l’instar de ce qui a été soulevé lors des courtes consultations en commission parlementaire ; pour réellement changer les choses, c’est d’abord un changement de mentalité dont nous avons besoin. Comme ordre professionnel, nous nous sentons concernés au premier chef et nous souhaitons mettre à contribution l’expertise et l’expérience uniques de nos professionnels qui se déploient à l’intersection de la justice, de la psychologie ainsi que de la sociologie criminelle pour contribuer à ce changement.

1. Lisez le rapport du coroner sur la mort de Daphné Huard-Boudreault
2. Lisez la synthèse du rapport Rebâtir la confiance

Retour vers le haut