La confidentialité et le secret professionnel : comment naviguer avec assurance?
La profession de criminologue, reconnue par le système professionnel québécois, est composée de membres œuvrant auprès d’une clientèle tant mineure qu’adulte, aux prises avec une variété de problématiques. Elle s’exerce dans différents milieux et requiert un éventail de compétences. Comme c’est le cas pour tous les professionnels, l’exercice de la profession doit être encadré par des lois, des règlements et des procédures. Parmi ceux-ci, il y a les règles relatives au respect de la confidentialité et du secret professionnel, lesquelles peuvent, à bien des égards, soulever des questionnements dans la pratique au quotidien.
Cet avis professionnel constitue un outil pour guider et éclairer les criminologues dans leurs réflexions et leur pratique. Il importe de savoir qu’il ne constitue pas un avis juridique, et qu’en tout temps, il est possible de contacter un membre de l’équipe de l’Ordre professionnel des criminologues du Québec (OPCQ) pour aider à la réflexion. Le service du contentieux et même les conseillers en éthique, mis à la disposition des membres dans certains milieux de pratique, peuvent représenter une option fort intéressante pour prendre des décisions éclairées lors de situations ou de dilemmes éthiques plus complexes.
Dans le cadre de cet avis, nous définirons d’abord les concepts de confidentialité et de secret professionnel. Nous aborderons par la suite les dispositions légales générales en ce qui a trait à ces deux concepts, qui s’appliquent dans la pratique quotidienne des criminologues lorsqu’il est question d’utilisation, de divulgation et d’échanges d’informations. Enfin, nous présenterons certaines dispositions dites « exceptionnelles » qui, dans la perspective de protéger une personne ou un groupe de personnes, permettent, voire créent une obligation aux professionnels de divulguer certaines informations.
1. Confidentialité et secret professionnel, deux concepts intimement liés
La confidentialité concerne tous les employés qui ont accès à de l’information sensible, peu importe leur titre d’emploi
Par définition, la confidentialité s’applique à toute information qui revêt un caractère personnel et qui ne peut être divulguée sans l’autorisation de la personne concernée. Elle touche toute personne qui œuvre notamment dans le domaines des services sociaux, de la santé, et de la sécurité.
La confidentialité touche ainsi tous les intervenants, dont ceux qui ne font pas partie d’un ordre professionnel, mais qui, dans l’exercice de leurs fonctions, ont accès à des informations confidentielles, qui ont trait à la vie privée des personnes et de leur famille.
À titre d’exemple, l’intervenant non membre d’un ordre professionnel, qui œuvre au suivi des familles dans le cadre de la Loi sur la protection de la jeunesse, ne peut divulguer les informations dont il dispose au sujet d’un enfant ou d’un parent. Il ne peut ainsi révéler qu’il intervient auprès de ces derniers pour tel ou tel motif prévu dans la Loi. Étant donné la nature de ses fonctions, cette personne a accès à de l’information jugée confidentielle. Cette obligation du respect de la vie privée s’applique également au personnel de soutien qui travaille avec le professionnel.
Les informations obtenues sont ainsi protégées par la Charte des droits et libertés de la personne[1] en vertu de l’article 5 que nous verrons plus loin. Les discussions de « cadre de porte » avec les partenaires ou les collègues non impliqués dans l’intervention à propos des clients et de leur situation sont donc à proscrire, et ce, peu importe le titre d’emploi.
Obtenir le consentement du client est ainsi essentiel pour pouvoir partager des informations, sauf, comme nous allons le voir, dans les cas d’exception prévus par la Loi.
Le secret professionnel est une protection additionnelle pour la clientèle
Pour qu’une information soit considérée comme relevant du secret professionnel, elle doit répondre à trois conditions soit 1) avoir été communiquée à une personne membre d’un ordre professionnel; 2) dans le contexte d’une relation professionnelle et 3) avec l’intention qu’elle soit gardée secrète. Cette information est caractérisée par sa nature confidentielle et implique la vie privée de la personne qui la divulgue. La personne qui confie ses informations le fait dans le cadre d’une relation de confiance et attend du professionnel qu’il les protège. C’est parce que la personne recherche de l’aide, des services ou un accompagnement qu’elle lui communique ces informations. La relation de confiance qui soutient la relation professionnelle impose au criminologue une discrétion absolue au sujet des informations reçues, à moins que la Loi l’oblige à faire autrement pour protéger une personne ou un groupe de personnes.
Le respect du secret professionnel permet ainsi au criminologue d’établir un espace collaboratif avec son client pour que ce dernier puisse se confier notamment sur son vécu, ses besoins ou encore les problèmes qui l’affligent. Il favorise le développement d’une alliance de travail qui tient compte de l’autonomie du client, responsable de choisir qui aura accès à ses confidences.
Le secret professionnel est un droit fondamental visant à protéger les informations que le client divulgue dans le cadre de sa relation avec le professionnel. Respecter en tout point ce principe signifie d’être extrêmement vigilant dans ce qui peut être ou pas transmis, notamment dans les communications avec des partenaires, ressources et collègues d’autres départements.
L’information obtenue dans le cadre de la relation professionnelle avec un criminologue est protégée par la Charte des droits et libertés de la personne en vertu de l’article 9, que nous verrons plus loin.
Obtenir le consentement du client est ainsi essentiel pour pouvoir communiquer des informations, sauf, comme nous allons le voir, dans les cas d’exceptions prévus par la Loi.
2. Dispositions légales générales
Rappelons que la Charte des droits et libertés de la personne constitue la pierre angulaire de l’ensemble des dispositions législatives, et que certains de ses articles concernent spécifiquement la confidentialité et le secret professionnel.
Les articles 5 et 9 de la Charte des droits et libertés de la personne[2] stipulent que :
Art. 5. « Toute personne a droit au respect de sa vie privée ».
Art. 9 : « Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu’ils n’y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d’office, assurer le respect du secret professionnel. »
Pour le criminologue, ceci signifie que, dès la demande de services du client jusqu’à la note de fermeture du dossier et même pour les années à venir, ces articles de la Charte l’obligent à garder confidentielles les informations qui lui ont été transmises au cours de la démarche effectuée.
Il s’agit de droits protégés au Québec qu’il importe de garder en tête à tout moment de sa pratique.
D’autres dispositions législatives encadrent la pratique en regard de la confidentialité et du secret professionnel, dont le Code civil du Québec (article 3)[3] qui stipule que « Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l’inviolabilité et à l’intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée », la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[4] (Loi sur l’accès modernisée le 21 septembre 2022), la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé[5] et le Code des professions[6] (article 60.4).
De plus, selon le secteur d’activité du criminologue, d’autres lois peuvent s’appliquer comme la Loi sur les services de santé et les services sociaux[7], la Loi sur la protection de la jeunesse[8], la Loi sur le système correctionnel du Québec [9]et la Loi sur le système de justice pénal pour les adolescents[10]. Enfin, le Code de déontologie des membres de l’OPCQ[11] constitue un document éclairant essentiel dans l’exercice des fonctions de ses membres. À cet égard, mentionnons que l’article 3.06.01 précise que : « Le criminologue doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle obtenu dans l’exercice de sa profession. »
Ainsi, peu importe son secteur d’activité, chaque criminologue doit connaître les dispositions législatives générales qui s’appliquent au du secret professionnel en plus de connaître les dispositions spécifiques qui s’appliquent à son champ d’exercice. Il s’agit d’un point de départ incontournable.
3. Dispositions spécifiques dites « exceptionnelles » : les limites du secret professionnel
Le secret professionnel ne peut être abordé sans prendre en considération ses limites. Plusieurs criminologues se questionnent, avec raison, sur les conditions qui permettent de communiquer une information protégée par le secret professionnel, notamment en cas de danger. Les questions suivantes sont régulièrement soulevées : quand peut-on être relevé du secret professionnel? Comment procéder? Auprès de qui? Comment le consigner au dossier? Le tout en respectant les obligations législatives auxquelles les criminologues sont tenus.
Il importe de comprendre que le secret professionnel n’est pas un droit absolu. Il s’agit d’ailleurs d’un concept qui a évolué avec le temps. En effet, en 2001, le Projet de loi n° 180 modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la divulgation de renseignements confidentiels en vue d’assurer la protection des personnes (L.Q., 2001, c. 78) a été adopté notamment à la suite des recommandations du rapport du coroner Bérubé (1997) et de celles de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Smith c. Jones[12]. Ces dispositions législatives clarifient la préséance au droit à la vie et à la sécurité d’une personne ou d’un groupe de personnes, tout en veillant à ce que l’atteinte au respect de la vie privée et au secret professionnel soit minimale.
Plusieurs lois ont été modifiées à la suite de l’adoption du Projet de loi n° 180. Les notes explicatives de ce projet de loi sont claires et précisent que : « Ce projet de loi introduit dans les lois concernant les ordres professionnels et dans les lois relatives à la protection des renseignements personnels, des dispositions afin de permettre la communication de renseignements confidentiels sans le consentement de la personne concernée dans les situations où il existe un motif raisonnable de croire qu’un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes. Toutefois, le projet de loi prévoit que la communication des renseignements doit se limiter aux renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la communication et qu’elle ne peut se faire qu’à la personne ou aux personnes exposées au danger ou aux personnes susceptibles de leur porter secours. »
L’article 60.4 du Code des professions a été modifié à la suite de l’adoption du PL n° 180. Il précise ceci :
« Le professionnel doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle qui vient à sa connaissance dans l’exercice de sa profession.
Il ne peut être relevé du secret professionnel qu’avec l’autorisation de son client ou lorsque la loi l’ordonne ou l’autorise par une disposition expresse.
Le professionnel peut en outre communiquer un renseignement protégé par le secret professionnel, en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsqu’il a un motif raisonnable de croire qu’un risque sérieux de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable et que la nature de la menace inspire un sentiment d’urgence. Toutefois, le professionnel ne peut alors communiquer ce renseignement qu’à la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou aux personnes susceptibles de leur porter secours.
Le professionnel ne peut communiquer que les renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la communication.
Pour l’application du troisième alinéa, on entend par “blessures graves” toute blessure physique ou psychologique qui nuit d’une manière importante à l’intégrité physique, à la santé ou au bien-être d’une personne ou d’un groupe de personnes identifiable. »
L’article 60.4 du Code des professions et la prévention d’un acte de violence, dont un suicide; comment bien interpréter ces énoncés?
La levée du secret professionnel peut être faite pour prévenir un acte de violence, lié notamment au suicide. Ce qui signifie qu’il s’agit de prévenir le futur et non de divulguer le passé. La notion de prévention du suicide est ajoutée et considérée comme un acte de violence envers soi-même. L’estimation et la gestion du risque d’un passage à l’acte suicidaire ou homicidaire ne sont pas traitées dans cet avis, il existe par ailleurs au Québec des formations spécifiques sur l’estimation et la gestion du risque fournies aux professionnels et autres intervenants.
L’article 60.4 du Code des professions mentionne qu’il faut avoir un « motif raisonnable de croire qu’un risque sérieux de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable et que la nature de la menace inspire un sentiment d’urgence ». Ce concept mis dans la Loi permet de comprendre qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une preuve inébranlable avant d’agir. En fait, afin de déterminer la clarté du danger, le professionnel doit se baser sur des faits observés ou obtenus dans le cadre de son travail et voir s’ils sont suffisants pour atteindre le seuil requis de « motifs raisonnables de croire », comme illustré par le visuel suivant emprunté de la formation offerte par Me Audrey Turmel à l’Ordre des criminologues du Québec, en 2022.
(Référence : présentation Me Turmel, 2022, à l’OPCQ)
Par « blessures graves », la Loi considère les blessures physiques, mais également psychologiques qui peuvent porter préjudice à l’intégrité physique, à la santé ou au bien-être d’une personne ou d’un groupe de personnes identifiable. Lorsqu’il est question de « personne identifiable », il peut ici s’agir d’une personne manifestement en danger, comme dans la situation exposée dans le rapport Bérubé (1997) où une personne victime de violence conjugale et son fils ont été tués par l’ex-conjoint de celle-ci. Il pourrait s’agir aussi d’une catégorie de personnes, comme des enfants d’un milieu scolaire ou des gens d’un groupe racisé ou religieux.
Enfin, la transmission des informations confidentielles ne doit viser que celles jugées nécessaires aux fins poursuivies par la communication et peut être faite de manière verbale ou écrite. Il est possible de transmettre ces informations directement à la personne identifiée en danger, comme la personne victime de violence conjugale. Nous pourrions alors avertir cette dernière du danger que représente son conjoint ou ex-conjoint. De plus, l’information peut être transmise à son représentant ou encore à la ou aux personnes pouvant lui porter secours, comme les policiers. Il s’agira ici de ne transmettre que les faits se rattachant au danger afin de prévenir le crime ou l’acte de violence. Le professionnel doit faire attention de ne pas transmettre toutes les informations contenues dans le dossier qui pourraient être considérées comme non pertinentes relativement aux fins poursuivies.
La Loi sur la protection de la jeunesse et l’échange d’informations
Obligations liées au signalement
Des changements législatifs apportés à la Loi sur la protection de la Jeunesse (LPJ) en 2022 ont placé l’intérêt de l’enfant au cœur des considérations de tous professionnels, peu importe leur milieu de pratique, qu’ils œuvrent dans un établissement ou en pratique privée (article 39 de la LPJ). La Loi est claire. Les professionnels ont l’obligation de signaler toutes les situations visées par les articles 38 et 38.1 de la LPJ. Cette obligation de signaler s’applique ainsi aux personnes liées par le secret professionnel, sauf exception, qui, dans l’exercice de leur profession, reçoivent des renseignements concernant une situation pouvant compromettre la sécurité ou le développement d’un enfant (art 41 de la LPJ).
De plus, l’article 39.1 de cette Loi précise que « toute personne qui a l’obligation de signaler une situation de mauvais traitements ou d’abus sexuels en vertu de l’article 39 doit le faire sans égard aux moyens qui peuvent être pris par les parents pour mettre fin à la situation ».
La Loi précise à l’article 35.4 que la personne autorisée par le Directeur de la protection de la jeunesse qui procède à l’enquête sur la situation de l’enfant peut prendre connaissance du dossier de l’enfant, et ce, que le criminologue œuvre dans un établissement ou en pratique privée, qu’il peut en faire une copie, et ce, en tout temps si la situation d’urgence le demande.
De plus, dans la mesure où la personne déléguée est autorisée par le tribunal, elle peut également, afin d’assurer la protection de l’enfant, prendre connaissance du dossier du parent ou de toute personne mise en cause.
Toujours selon l’article 35.4 de la LPJ, les informations peuvent être communiquées lorsque :
- Le renseignement révèle ou confirme l’existence d’une situation liée au motif de compromission invoquée auprès du Directeur de la protection de la jeunesse et dont la connaissance pourrait permettre de :
-
- retenir le signalement pour procéder à l’évaluation de la situation;
- décider si la sécurité ou le développement de l’enfant est ou demeure compromis;
- décider de l’orientation de l’enfant.
- Le renseignement permet de confirmer ou d’infirmer l’existence d’une situation liée à des faits nouveaux survenus depuis la décision portant sur la compromission et dont la connaissance pourrait permettre de réviser la situation de l’enfant.
Échange d’informations entre les professionnels, les organismes et les établissements
Dans la foulée des modifications législatives, le Ministère de la Santé et des Services sociaux a élaboré des outils de soutien à la pratique expliquant les principes qui permettent dorénavant un échange plus fluide entre les professionnels, les organismes et les établissements, ayant pour but premier de mettre en avant l’intérêt de l’enfant et d’agir dans le plus grand respect de ses droits. Des fiches, des arbres décisionnels et d’autres communications sur les assouplissements de la loi révisée sont fournies au : https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-003567/
Les tribunaux et le secret professionnel
Dans le cadre de sa pratique professionnelle, le criminologue peut être appelé à se présenter devant le tribunal. Bien que le tribunal doive, d’office, assurer le respect du secret professionnel, le juge pourrait dans certaines circonstances lever celui-ci et demander au criminologue de communiquer certaines informations pertinentes pour mener à bien la recherche de vérité. Dans cette avenue, par ailleurs exceptionnelle, le juge conclura que celle-ci prime sur le droit au secret professionnel. Le criminologue sera alors délié de son obligation à ce secret et pourra divulguer les renseignements pertinents et nécessaires se rattachant à cette recherche de vérité.
Le Code des professions et la mission de protection du public des ordres
Les ordres professionnels ont comme mission première la protection du public et doivent veiller à la qualité des services offerts par leurs membres. Dans une telle optique, ils doivent procéder à l’inspection de la pratique professionnelle et parfois faire des enquêtes disciplinaires (bureau du syndic). Un criminologue ne pourrait invoquer le secret professionnel et refuser de transmettre les informations à un représentant de l’OPCQ lorsque ce dernier le lui demande dans le cadre de son mandat.
Les autres lois d’exception à considérer
- La Loi sur la recherche des causes et circonstances de décès qui permet au coroner d’obtenir copie du dossier d’un professionnel.
- La Loi visant à favoriser la protection des personnes à l’égard d’une activité impliquant une arme à feu (Loi Anastasia), qui permet au professionnel d’outrepasser le secret professionnel pour divulguer aux policiers la présence d’une arme à feu dans certains lieux désignés.
- La Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité. Cette loi permet à un professionnel de divulguer, afin de protéger un aîné ou une personne majeure vulnérable, une information protégée par le secret professionnel dans le but de déclencher un processus d’intervention concertée.
L’autorisation ou la renonciation du client
Le client peut, de son propre chef, consentir à ce que certaines informations soient transmises à un tiers. Ce consentement à divulguer des informations doit être fait de manière libre (impliquant un réel choix), éclairée (donné en toute connaissance de cause, contenant par exemple des explications sur les conséquences d’un échange d’informations ou d’un refus de collaborer), spécifique (précis et clairement circonscrit) et il peut être verbal ou écrit. À cet égard, nous référons le lecteur au Règlement sur les dossiers, les bureaux et la cessation d’exercice des criminologues[13], afin de saisir les obligations liées à la tenue de dossiers et aux principes entourant le consentement.
Note au dossier professionnel
Lorsque le criminologue prend la décision ou est contraint par la loi de communiquer un renseignement protégé par le secret professionnel, il doit consigner dans le dossier du client, conformément au Règlement sur les dossiers, les cabinets de consultation et la cessation d’exercice[14], les motifs fondant sa décision, ainsi que la date et l’objet de la communication, le mode de transmission utilisé et la personne à qui l’information a été remise[15]. Bien que cette information ne soit pas nécessairement accessible au client (le criminologue pourrait par exemple la consigner dans une section protégée du dossier), elle doit s’y retrouver. Le dossier professionnel du criminologue doit traduire intégralement tous les actes posés par lui dans l’exercice de sa profession. S’il advenait une demande d’enquête qui vise un dossier en particulier, le syndic devrait être en mesure d’obtenir tous les renseignements pertinents; le fait de ne pas retrouver cette note au dossier peut exposer le criminologue à se faire reprocher un manquement au Règlement sur les dossiers.
Bien que l’Ordre exige que le criminologue note au dossier le fait d’avoir communiqué un renseignement protégé par le secret professionnel (par exemple pour prévenir un acte de violence ou pour faire un signalement à la DPJ), il ne peut lui imposer des modalités précises. Il revient à chacun des organismes ou établissements (ou au professionnel en pratique autonome) de les déterminer, en conformité avec les exigences du Règlement sur les dossiers, du Code de déontologie ou du Code des professions (protection du secret professionnel), et le cas échéant, de la Loi sur la protection de la jeunesse (protection de l’identité d’un signalant).
Dans un même ordre d’idées, lorsque le criminologue a obtenu le consentement de son client avant de transmettre un renseignement protégé par le secret professionnel, par exemple à un autre professionnel, il doit également consigner au dossier l’autorisation écrite, signée et datée de celui-ci[16].
En conclusion
En définitive, il est clair que les différentes exceptions au secret professionnel comportent leur lot de nuances. Informer son client, dès la première rencontre, des notions de confidentialité et de secret professionnel, ainsi que lui expliquer leurs limites, est essentiel pour établir le cadre de travail. Par la suite, et tout au long de la démarche avec le client, il est important de revoir ces principes et de s’assurer de leur compréhension.
Il faut aussi rappeler que lorsque le criminologue fait face à la décision de lever, ou pas, le secret professionnel, une réflexion importante doit être effectuée et pour ce faire, le criminologue doit exercer son jugement professionnel et bien documenter sa démarche.
Même si une loi permet au criminologue d’être relevé du secret professionnel ou l’oblige, notamment en cas de danger, ce dernier pourrait juger pertinent d’informer son client, lorsque possible, avant de divulguer l’information à un tiers. Préserver le lien de confiance avec son client devrait toujours faire partie des éléments à considérer dans les cas de divulgation.
Lors de situations ambiguës, complexes ou litigieuses, il est possible, voire nécessaire, de discuter avec ses collègues, ses superviseurs cliniques, le contentieux de son établissement, un conseiller en éthique et même les membres de l’équipe de l’OPCQ. Ces personnes sont des ressources précieuses qui peuvent vous éclairer.
L’OPCQ tient à remercier Mmes Martine Hugron, Michelle Dionne et Geneviève Lefebvre ainsi que Me Geneviève Roy pour leur contribution à l’écriture de cet avis professionnel.
Diffusé en mars 2024
Ordre professionnel des criminologues du Québec (OPCQ)
- https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/C-12
- https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/C-12
- https://www.canlii.org/en/qc/laws/stat/cqlr-c-ccq-1991/latest/cqlr-c-ccq-1991.html
- https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/A-2.1
- https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/P-39.1
- https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/c-26
- https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/S-4.2
- https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/P-34.1
- https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/S-40.1
- https://www.canlii.org/fr/ca/legis/lois/lc-2002-c-1/derniere/lc-2002-c-1.html
- https://ordrecrim.ca/membres/profession/code-deontologie/
- [1999] 1 RCS 455.
- https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/rc/C-26,%20r.%2090.04%20/
- idem
- Article 8 (par. 5°) du Règlement sur les dossiers, les cabinets de consultation et la cessation d’exercice des criminologues, C-26, r. 90.04
- Article 8 (par. 6°) du Règlement sur les dossiers, les cabinets de consultation et la cessation d’exercice des criminologues.